« Tout était parfait »

Nulle guerre ne fut plus brutale, plus barbare et plus destructrice que celle qui fut menée en Ombrae. Dagaz s’opposait à Jäwell et Zarkhaïm. La lumière contre l’ombre. Le combat épique maintes fois narrés dans les livres de conte. Mais la vérité est bien plus amère que la légende, les atrocités des mythes font pâle figure face aux sauvageries du réel. Dante, nouveau venu, nouveau paladin qui avait reçu la lumière, devait faire un choix. Se battre du côté de Dagaz qui lui promettait paix et pérennité pour toute l’éternité ou rester fidèle à Jäwell, son premier maître, celui à qui il avait volé l’épouse.
Comme à chaque fois qu’il était confronté à un choix, Dante choisit l’option qu’on ne lui offrait pas. Il décida de se battre pour lui et non pour les autres. Donc, entre Dagaz et Jäwell, il choisit Dante. Entre l’ombre et la lumière, il choisit l’équilibre des deux. Cependant, pour ce faire, il devait ruser. Il était trop faible pour prétendre battre l’un des camps, a fortiori les deux.
La bataille avait cela de bien, pour le pirate, que son chaos fut total. Aussi, aucun des paladins ne vit venir le coup en traître, le coup à l’aide de la rapière attribuée aux paladins, celle qui s’abreuvait des âmes et augmentait en conséquence la puissance du porteur. Dante avait tout prévu. Des créatures terrifiantes, des lieutenants de Jäwell, étaient présentes à chaque fois qu’un paladin tombait. La faute leur revenait, Dante s’en sortait blanchi, il était censé avoir assisté à une bataille bien plus loin encore. La trace de la blessure sur leurs corps ressemblait à s’y méprendre par celle laissée par l’épée de Jäwell, qui partageait avec la rapière de Dante cette soif inextinguible d’âmes. Tout était parfait.
Si bien que lorsque vint la bataille finale, que plus aucun paladin n’était debout, que tous avaient sombré et laissé leurs pouvoirs à Dante, celui-ci put feindre d’être toujours fidèle à Dagaz. Et pendant que cette dernière affrontait Zarkhaïm, Jäwell était laissé en proie à Dante. Ce ne fut pas une proie facile et peu étaient ceux capables de discerner le véritable prédateur entre ces deux-là. Pourtant, au final, c’est Dante qui l’emporta. Il aspira l’âme de Jäwell comme il l’avait déjà fait quatre fois auparavant.
Il ne pouvait désormais plus cacher son véritable pouvoir, bien mal acquis. Néanmoins, le combat entre les deux illustres puissances les avait laissées affaiblies. Aussi ne purent-elles rien faire face au sortilège du pirate. Un simple portail qu’il créa, après avoir emprisonné une partie de leur puissance dans deux réceptacles bien distincts pour s’assurer qu’ils aient le plus de mal possible à revenir. Il les avait bannis dans un autre monde, une autre époque, une autre dimension. Ils pouvaient toujours revenir, un jour, mais cela laissait au pirate assez de temps pour préparer leur retour.  
Des deux réceptacles utilisés pour garder une partie de la puissance des deux monstres, personne ne sait rien. Ni à quoi ils ressemblent, ni où ils se trouvent. Ce qu’on sait, par contre, c’est que Dante, épuisé par la bataille, plongea dans un profond coma après son dernier sort. Il eut à peine le temps de s’entourer d’une lumière protectrice, censée protéger son corps pendant le sommeil, avant de sombrer. Il lui fallut une année entière pour se réveiller. Une année durant laquelle tout avait changé.
Tout d’abord, l’Ombrae avait dû subir les affres de la guerre. Nul n’avait été épargné, mais il n’y en avait pas qui avaient plus souffert que les pauvres et malchanceux. Eux, qui n’avaient déjà rien, virent leurs moindres possessions brûler, leurs derniers êtres chers mourir. L’histoire raconte qu’un être avait su prononcer les mots qu’il fallait pour que l’idée de révolte germe dans les esprits. Et révolte il y eut.
Une nouvelle guerre, intestine cette fois, ravageait les terres de l’Ombrae au moment où Dante se réveilla. S’il était à présent incroyablement puissant, son pouvoir dépendait aussi de l’Ombrae lui-même, tout comme l’Ombrae dépendait de ses pouvoirs. La guerre l’affaiblissait, les âmes prisonnières de son épée tentaient toujours de s’échapper, il devait employer une bonne partie de sa puissance à les contrer. Aussi, de son grand pouvoir, il ne disposait que d’un fragment. Assez pour dominer n’importe qui sur l’Ombrae, insuffisant pour régler la guerre à lui seul.
Certains le rejoignirent donc dans son combat. D’autres se lièrent aux élus, Miroïr ayant survécu à la guerre et ayant juré de faire payer le meurtre de son frère au pirate. D’autres, encore, répondaient aux ordres du mystérieux général qui menait la guerre civile. Et au milieu de ces affrontements, les faibles souffraient toujours plus.
Un autre changement majeur avait eu lieu. L’Ombrae, liée à Jäwell, l’homme au cœur sombre, était désormais liée à Dante, l’homme partagé entre la lumière et les ténèbres. Aussi, l’on vit, dans certaines zones, des fragments de lumière, des résidus de bonté apparaître. Des zones plus verdoyantes, au climat plus clément, des endroits plus joyeux… Enfin, ils l’auraient été si la guerre n’avait pas fait rage.
Quatre. C’était le nombre d’années qui s’étaient écoulées depuis le réveil de Dante et rien n’avait vraiment changé. La guerre n’était pas finie, loin de là, l’Ombrae était toujours déchirée et réservait toujours d’effroyables mais incroyables surprises.

© Nye-Hael sur Epicode

(Hrp: ce résumé n'est pas forcément la version finale, des changements pourront éventuellement être effectués)